Ce Vendredi 1er Janvier, l’ancien Premier Ministre ivoirien, Pascal Affi N’Guessan a accordée une interview à nos confrères de la Radio France Internationale (RFI). Au cours de l’interview, l’ex-porte-parole du Conseil National de Transition (CNT) a passé en revue les faits marquants de l’actualité.
Vous sortez de près de deux mois de détention dans un lieu qui a été tenu secret jusqu’à présent. Beaucoup de rumeurs ont fusé sur vos conditions de détention. Est-ce que vous pouvez nous raconter cette détention ?
Des mois de détention sont toujours des mois difficiles. D’abord, les conditions d’arrestation ont été très difficiles, rocambolesques. On est passé, je dirais, tout près de la mort. Ensuite, la détention à la Direction de la surveillance du territoire DST, pendant soixante (60) heures sans voir le jour, ce n’est pas facile. Mais après, lorsque j’ai été présenté au Procureur et qu’on m’a transféré par la suite à l’école de Gendarmerie, je dois reconnaître que là-bas, les autorités l’école, tout comme les gendarmes qui étaient commis à ma surveillance, ont été corrects. En tout cas, je voudrais vraiment témoigner que l’école de gendarmerie a été professionnelle. Je n’ai pas eu à subir de tortures. Ni de quelles que maltraitances que ce soient.
Le juge d’instruction de la Cellule spéciale d’enquête qui a ordonné votre libération vous maintient sous contrôle judiciaire. Comment est-ce que vous analysez cette libération, après deux mois de détention ?
Évidemment, nous sommes dans un procès politique. Nous sommes dans une détention politique. Donc, c’est toujours le Politique qui a le dernier mot. Je situe donc cette libération dans le cadre du dialogue politique. Pour essayer d’apaiser l’environnement sociopolitique. De normaliser la vie politique en Côte d’Ivoire et puis de relancer le processus démocratique. Donc, c’est vraiment par rapport à cela qu’on apprécie ma libération. Je voudrais donc en profiter pour dire infiniment merci au Président Henri Konan Bédié, président de la plate-forme. Ainsi qu’à tous les leaders de l’opposition qui sont restés fermes sur cette nécessité de libérer les prisonniers politiques pour pouvoir relancer le dialogue. Nous voulons rendre un hommage à la mémoire de tous ceux qui sont tombés au cours de ces tristes événements. Il y a eu plus d’une centaine de morts à ces événements. Des milliers de blessés, des dégâts matériels énormes. Nous aurions pu faire l’économie de cela. Si nous avions accepté de nous asseoir autour d’une table pour discuter, avant l’échéance électorale. Bon, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le pays a besoin de réconciliation. Je salue cette initiative. Et j’espère que ce dialogue national sera conduit avec sincérité, avec franchise. Toutes les questions qui divisent le pays pourront être abordées sans tabou. Et que pour une fois, les leaders politiques pourront s’accorder sur l’essentiel. Pour mettre fin définitivement à ces conflits électoraux interminables et fonder la paix, la stabilité en Côte d’Ivoire.
Donc, les recommandations qui sont issues de ce dialogue qui a eu lieu durant votre détention, elles vous semblent satisfaisantes pour une sortie de crise politique ?
Le dialogue n’est pas fini. Puisque tous les acteurs politiques n’ont pas apposé leur signature au bas du rapport final. En tout état de cause, quels que soient les résultats auxquels nous allons aboutir, il faut savoir qu’il y a encore beaucoup de problèmes à régler. Et qu’il faudrait continuer à maintenir le dialogue avec le gouvernement.
Quels problèmes, selon vous, sont à régler d’urgence ?
L’urgence, c’est d’abord la question des prisonniers politiques. C’est la question des exilés, de tous nos camarades qui sont exil, c’est la question du retour du Président Laurent Gbagbo, de Charles Blé Goudé et du maire Akossi Bendjo. Donc c’est la question de tous ceux qui sont hors de la Côte d’Ivoire. C’est aussi la question de la Commission électorale indépendante. Mais je suppose qu’une solution sera trouvée dans le cadre de ce dialogue. C’est aussi la question de la réconciliation nationale parce qu’elle n’a pas été conduite avec efficience. Le pays est toujours divisé. C’est d’ailleurs l’absence de réconciliation qui explique sa turbulence qu’on enregistre, chaque fois qu’il y a une échéance électorale. Et à travers la réconciliation nationale, il y a la refondation du contrat social. C’est-à-dire, une constitution consensuelle, des règles électorales qui prennent en compte les réalités socio-politiques nationales. C’est pour cela que nous continuons d’appeler à l’organisation des états généraux de la République.
Vous avez rencontré, au lendemain de votre libération, le président Henri Konan Bédié. De quoi avez-vous parlé ?
C’était une visite de courtoisie, une visite de remerciements. Vous savez que nous avons conduit cette bataille et nous continuons de la conduire, dans le cadre de la plate-forme des partis politiques de l’opposition. Et dirigée par le Président Henri Konan Bédié. Nous restons engagés dans la plate-forme pour pouvoir faire face aux échéances à venir. En particulier, la conclusion du dialogue politique mais surtout la préparation des législatives à venir.
Le Conseil national de transition, que l’opposition avait créé au lendemain de l’élection présidentielle, a été dissout par M. Bédié, durant votre détention. Est-ce à dire que désormais, l’opposition et le FPI, reconnaissent la victoire et réélection de M. Alassane Ouattara?
Vous savez, c’est une question qui relève du procès actuel. Donc, je suis astreint à l’obligation de réserve sur tout ce qui touche à la crise électorale. Donc je préfère ne pas aborder ce sujet. Mais, sachez que tout ce qui se fait dans le cadre de la plate-forme de l’opposition, engage les partis politiques.
Les législatives, c’est pour le 6 mars 2021. Il y a aussi la branche Fpi qui est est soutenu par l’ex-président Laurent Gbagbo. Après des années de boycott, ils annoncent qu’ils vont participer à ces élections législatives. Qu’est-ce que donc la réunification est inévitable mais la marche forcée ?
Nous nous félicitons de cette décision de nos camarades. Logiquement, nous devrions tous en tirer les conséquences. Si ce sont les élections qui nous ont divisés, maintenant que nous sommes d’accord sur les élections, nous devrions être d’accord pour aller à ces élections dans le cadre d’un Fpi unifié. Donc, je crois que c’est l’équation que nous avons à régler. Puisqu’il serait dommageable que nous allions à ces élections en rangs dispersés, avec le risque de perdre des circonscriptions électorales.
Pour cela, il faudrait donc que le Président Laurent Gbagbo donne son accord. Parce que cela dépend tout de même de lui. Il a reçu ses deux passeports. Est-ce que cela veut dire, vous allez peut-être prochainement lui parler pour une réunification éventuellement, pour les législatives de 2021 ?
Nous n’avons jamais cessé de nous parler. Étant donné que nos amis ont fait cette annonce, c’est d’abord vers eux qu’il faut aller pour en savoir davantage. Et pour voir qu’est-ce que nous faisons ensemble et pour pouvoir maximiser nos chances et pour pouvoir donner au Front populaire ivoirien le maximum de Députés.
Interview transcrite par Innocent Kouyo.