MA LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE
Madame le Ministre de l’éducation Nationale,
Ne pas réussir à l’école est aujourd’hui devenu inacceptable aussi bien pour les enfants, pour les parents que pour la société Ivoirienne. Pourtant, l’échec scolaire est dramatiquement élevé et plus important que dans la plupart des pays d’Afrique. Actuellement dans notre pays nous assistons tous au déclin du niveau scolaire de nos enfants, nos frères et sœurs.

À partir de ce constat, on comprend que les enfants ne puissent pas rattraper leur retard et être en échec massif, sauf si on prend conscience de cette difficulté dramatique à l’entrée au collège et que l’on donne aux enfants une seconde chance d’apprendre à lire et à écrire vraiment, et efficacement. Et ce, le plus tôt possible car à l’entrée en sixième, certains enfants ne savent toujours pas écrire leurs noms et prénoms.
Le débat très souvent sur l’échec scolaire, véritable drame de nos sociétés complexes, s’est même signé par certains des acteurs de l’école et de la société qui s’intéressent aux enfants.
Et on peut penser que cette question risque, à juste titre, de rester dans l’esprit quotidien des parents d’élèves soucieux de l’avenir sombre qui se dessine, tant les enjeux humains et sociaux sont importants. Et même si l’échec est une préoccupation déjà ancienne, il devient de plus en plus massif et de plus en plus inégalitaire dans la mesure où il touche massivement les enfants les plus défavorisés et, de plus, ces enfants, lorsqu’ils sont en échec, ont très peu de possibilités de contournement ou de réparation. Les enfants plus favorisés sur le plan social peuvent aller dans des classes du privé qui aménagent les parcours ou dans des classes avec des pédagogies spécialisées. Les plus vulnérables et les plus pauvres subissent l’échec, de plein fouet, sans issue possible.
On connaît pourtant nombre d’ingrédients de l’échec. Les études dans ce champ ne manquent pas aussi bien sur le plan national qu’international. Elles viennent du champ de la sociologie, des sciences de l’éducation, des sciences de la pédagogie, mais aussi de la psychologie, de la psychanalyse et de la pédopsychiatrie. On peut dégager les grands résultats de ces études.
D’abord les causes sociologiques : plus on appartient à un milieu éloigné de celui des enseignants, plus on risque d’échouer. Plus on est familier des livres, plus l’écrit fait partie de votre univers, plus l’on réussit et cela, quels que soient les autres facteurs individuels. Spontanément l’école est donc un lieu de réplication sociale où les inégalités se transmettent d’une génération à l’autre. L’accès au savoir pour tous reste donc une revendication légitime.
Le facteur sociologique pèse pour beaucoup dans cet échec et touche massivement les enfants des classes modestes qui s’imaginent le moins faire de grandes études. Il existe aussi des facteurs de vulnérabilité psychologique. Certains enfants auraient besoin de beaucoup plus de temps que les autres pour apprendre à lire et à écrire, pour s’apaiser et s’intéresser aux choses de l’école, pour investir la leçon. Ce qui permet aux enfants de devenir autonomes sur le plan du savoir et prêts à l’acquérir, c’est d’aller à l’école pour la leçon elle-même, pour les contenus du savoir, pour les mathématiques elles-mêmes ou pour l’histoire.
Mais dépendre de celui qui transmet les rend vulnérables. Or, certains enfants, qui ont une mauvaise estime d’eux-mêmes par exemple, ont du mal à aimer l’école pour l’école, le savoir pour le savoir, car ils ne se sentent pas assez bons pour apprendre, d’où leurs doutes et leur nécessité d’investir ceux qui transmettent se savoir. Et ces enfants ont besoin de plus de temps que les autres, ce que notre école ne leur donne pas toujours.
Ainsi, les derniers facteurs en cause sont liés à l’école elle-même et à son organisation au service, en particulier de ceux qui sont les plus dépendants d’elle. On sait donc ce qu’il faut faire pour diminuer cet échec, tenir compte de ce que sont les enfants, de leur développement et de leurs besoins et revaloriser le métier d’enseignant. En somme, mettre l’école au cœur du nouveau pacte social.
Au croisement de la question scolaire et de celle de la diversité sociale et culturelle dans notre pays, je voudrais attirer votre attention, Madame le Ministre, sur la fragilité de la situation des enfants en Côte d’Ivoire, mais aussi sur la richesse que constitue pour l’école républicaine, la présence de ces enfants riches de plusieurs ethnies souvent, de plusieurs cultures toujours ; enfants confrontés à la complexité mais ô combien adaptés. Il faut tout faire pour éviter de sacrifier l’avenir des enfants car les données statistiques sont préoccupantes et aussi leurs difficultés au quotidien.
Cela suppose de changer dès maintenant le regard que l’on porte sur eux et de les aider à dépasser d’éventuelles inhibitions sur le chemin du savoir. Cela implique aussi de ne pas chercher – comme le fait trop souvent l’école – à les couper de leur culture ou de leur langue maternelle, qui les protège en les inscrivant dans une histoire et qui pourra les aider à acquérir le français comme l’ont montré tous les travaux linguistiques internationaux. Mais il est bon aussi de penser les choses à plus long terme et de voir les belles trajectoires de ces enfants. Beaucoup d’enfants optent en effet pour les métiers de l’enseignement. Cela prouve bien l’importance des savoirs au sein de leurs familles, la place prépondérante que l’école a occupée dans leurs projets et leurs parcours éducatifs.
Nous ne pouvons terminer notre lettre ouverte sans parler de la situation précaire que vit nos enseignants et nos élèves comme le manque d’enseignant et d’école dans nos zones les plus reculés. Aussi les stagiaires instituteurs qui périssent parfois sans touchés le fruit de la sueur de leur front. Loin de vouloir faire votre procès mais juste nous mettre face à l’espoir de notre destin commun. Ne dit-on pas que le socle d’une nation est fondé sur l’éducation ? Cependant, nous devions ensemble trouver la solution car celas y va de notre devenir.
Citoyen Hamed Ribah FOFANA.